Sonia Chaabane (CR, IRD) et Thibault De Garidel (DR, CNRS) ont participé à une étude internationale qui met en lumière le rôle majeur des planctons calcifiants dans le cycle du carbone océanique et la régulation du climat. Publiée cette semaine dans Science, cette revue révèle que ces organismes marins, pourtant essentiels, sont largement sous-représentés dans les modèles climatiques utilisés pour prédire l’avenir de notre planète.
Des ingénieurs microscopiques
mais essentiels
Les coccolithophores, foraminifères et ptéropodes, plus connus sous le nom de planctons calcifiants, construisent de minuscules coquilles en carbonate de calcium (CaCO₃). Ces coquilles jouent un rôle clé dans le transfert du carbone de l’atmosphère vers les profondeurs océaniques et influencent la chimie de l’eau de mer. Ensemble, ces organismes régulent le “thermostat” de la Terre et contribuent à stabiliser le climat. « Les coquilles de plancton sont minuscules, mais ensemble elles façonnent la chimie de nos océans et le climat de notre planète », souligne Patrizia Ziveri, autrice principale de l’étude.
Échantillon de planctons calcifiants collecté dans la baie de Marseille (octobre 2025) à bord du N/O Antedon II par Julie Meilland (CEREGE) ©Jaime Suarez-Ilbara
Des modèles climatiques encore incomplets
Les chercheurs alertent sur le fait que les modèles actuels sous-estiment la diversité et les processus liés à ces planctons, notamment la dissolution superficielle du carbonate de calcium dans les couches supérieures de l’océan. Ignorer ces dynamiques risque de simplifier à l’excès la réponse des océans aux changements climatiques. « Nous commençons seulement à comprendre à quel point les planctons calcifiants sont diversifiés et combien leurs réactions aux changements environnementaux peuvent différer », explique Sonia Chaabane, chargée de recherche IRD au CEREGE et coautrice de l’étude. « En reliant leur biologie aux dynamiques globales du carbone, nous pouvons mieux comprendre comment l’océan amortit le changement climatique — et la fragilité de cet équilibre. »
Une urgence scientifique et écologique
L’étude met en avant la nécessité de quantifier avec précision la production, la dissolution et l’exportation de carbonate de calcium propres à chaque groupe de planctons, et de mieux intégrer ces dynamiques dans les modèles climatiques. Cela permettra d’obtenir des projections plus fiables sur le stockage du carbone et les impacts futurs sur les écosystèmes et les sociétés. « Si nous ignorons les plus petits organismes de l’océan, nous risquons de passer à côté de dynamiques climatiques essentielles », conclut Patrizia Ziveri.
Référence
Ziveri P, Langer G, Chaabane S, de Vries J, Gray WR, Keul N, Hatton IA, Manno C, Norris R, Pallacks S, Young JR, Schiebel R, Zarkogiannis S, Anglada-Ortiz G, Bianco S, de Garidel-Thoron T, Grelaud M, Lucas A, Probert I, Mortyn PG, 2025, Calcifying plankton: from biomineralization to global change, Science.
doi: 10.1126/science.adq8520